Le deuil périnatal
Le deuil périnatal définit le deuil consécutif au décès d’enfants en cours de gestation ou à la naissance.
Comment faire le deuil de cet enfant, mort avant d’être né ? Le couple est frappé de plein fouet alors qu’il s’apprêtait à accueillir leur bébé dans la joie. Avec ce bébé disparu, c’est tout un avenir qui s’écroule, pourtant il faut bien continuer à vivre.
Pour surpasser tout cela, un long processus se met en marche…
Eléments de
réponse avec Marie-José SOUBIEUX, pédopsychiatre, psychanalyste
et auteure du livre “ Le berceau vide ”.
Par Katrin Acou-Bouaziz,
lexpress.fr le 05/12/2014 .
Le deuil périnatal, un “ deuil à part ”
“La peine ressentie par les parents
ne dépend pas du moment auquel se produit le décès de l'enfant " , prévient
Marie-José Soubieux, pédopsychiatre, psychanalyste et auteure du livre
"Le berceau vide". "On parle de deuil périnatal dès 22 semaines
d'aménorrhée jusqu'à une semaine après l'accouchement, mais pour certains
parents, la fausse couche tardive (après 14 semaines d'aménorrhée) peut
déjà signifier le deuil d'un enfant. Tout dépend de la façon dont la grossesse
a été investie".
La perte de l'enfant s'avère extrêmement violente pour les parents car
"elle bouscule l'ordre des générations", poursuit la psychanalyste. "Elle
place les adultes devant leur propre mortalité et les oblige à porter
un regard nouveau sur la vie", constate la thérapeute qui anime des groupes
de paroles de mamans sur le sujet à l'Institut de Puériculture et de Périnatalité
de Paris. "C'est une double douleur : la perte
de l'enfant signe aussi l'arrêt du processus de parentalité. Les parents
qui perdent un bébé [appelés les "paranges", comprendre "parents d'un
ange"] souffrent alors d'un manque de reconnaissance de leur statut et
de leur deuil."
Vivre le deuil pour tenter de l'accepter
Il est alors extrêmement important que les parents confrontés au deuil périnatal puissent connaître tous les moyens dont ils disposent
pour faire reconnaître leur situation. La maternité les informe généralement des dispositions qu'ils peuvent prendre en matière de
funérailles.
En premier lieu, les parents ont la possibilité de reconnaître leur enfant
et de l'inscrire sur le livret de famille dès 15 semaines d'aménorrhée
depuis la circulaire du 19 juin 2009.
Ils peuvent également lui donner un prénom. L'usage du nom de famille
n'étant réservé qu'aux enfants nés vivants. Les parents bénéficient d'un
délai illimité dans le temps pour prendre la décision de cette reconnaissance.
"En effet, certains couples ne parviennent pas à faire un choix tout de
suite ou ne ressentent le besoin d'une reconnaissance que plusieurs jours,
semaines ou même années plus tard", précise Marie-José Soubieux. D'ailleurs,
la circulaire autorise rétrospectivement la reconnaissance d'enfants morts
nés jusqu'au 11 janvier 1993.
Un deuil dont il faut délimiter les contours
En dehors de ces questions, les parents se retrouvent devant d'autres considérations à première vue morbides,
mais pour certains essentielles au processus de deuil.
Veulent-ils connaître le sexe du bébé, le voir, le tenir dans leurs bras? L'habiller avec une tenue qu'ils ont choisie?
Prendre des photos de lui? Certains établissements proposent même aux parents une empreinte du pied ou de la main de leur bébé
en souvenir. "Je ne sais plus où je l'ai rangée mais je sais qu'elle est quelque part dans mes affaires", avoue émue Isabelle,
39 ans, qui a subi une IMG à quatre mois de grossesse.
Des stèles virtuelles permettent aussi de poster une photo. "Toutes ces tentatives de garder une trace, réaliser une perte,
faire reconnaître une douleur sont très personnelles et ne peuvent pas être jugées.
En revanche, elles doivent rester des options pour les parents qui en ressentent le besoin.
Surtout pas des protocoles prédéfinis qu'il faudrait se forcer à suivre. Cela serait extrêmement violent pour les
couples dont le cheminement diffère", analyse Marie-José Soubieux.
Au contraire, la façon de vivre le deuil d'un bébé gagne à rester singulière. "Nous avons planté un arbre en son souvenir",
explique pudiquement Annabelle, qui a du accoucher à 6 mois d'un bébé mort in utéro.
Des initiatives pour aider les parents à rendre concrète leur histoire se développent.
C'est le cas du crématorium du Père Lachaise à Paris qui organise chaque trimestre "La cérémonie des touts petits"
ou du cimetière de Thiais (94) et son "carré des anges" qui propose un "jardin du souvenir" où les parents peuvent déposer une fleur,
une veilleuse, un doudou pour se recueillir. Il existe aussi une journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal.
L'association Une fleur une vie organise aussi une journée de sensibilisation.
Faire reconnaître la douleur pour ne plus la porter
“ Trouver un moyen de faire reconnaître la douleur, mais aussi de transmettre la mémoire de
l'être disparu, permet aux parents de ne plus porter le deuil", explique Marie-José Soubieux.
Sans ce travail, les émotions restent emprisonnées, elles envahissent l'esprit et utilisent une grande partie de
l'énergie des parents qui auront beaucoup de mal à réinvestir la vie paisiblement.
"Le chagrin devient alors le seul lien avec le bébé, le moyen de ne pas le trahir. Ainsi, je vois beaucoup de mamans qui
ne parviennent pas à se débarrasser des kilos de cette grossesse arrêtée comme si leurs formes traduisaient la preuve irréfutable
de leur parcours et de leur blessure".
Pour Marie-José Soubieux, il est alors urgent d'extérioriser la souffrance, de "l'élaborer".
L'entourage, par pudeur, par peur de prononcer une mauvaise parole, ne sait pas toujours comment aborder la question.
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