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Harcèlement scolaire : quelles conséquences à l’âge adulte ?

La journée nationale de prévention du harcèlement scolaire a eu lieu le 10 novembre.
Le harcèlement scolaire fait heureusement aujourd’hui l’objet d’une prise de conscience des parents, des professionnels de l’éducation nationale et des pouvoirs publics. Les différentes enquêtes menées ces dernières années ont mis à jour l’ampleur du phénomène. Ces chiffres très éloquents démontrent leurs importances. Chaque année plus de 1 million d’élèves sont harcelés avec des conséquences plus ou moins graves qui peuvent conduire jusqu’à l’irréparable du risque suicidaire.


Peut-on définir les profils des enfants ou adolescents susceptibles d’être harcelés ou harceleurs ? L’enfant harcelé est perçu comme différent des autres par son intelligence, son aspect physique ou son comportement. Les harceleurs seront des enfants ou des adolescents souffrant d’anxiété, de troubles de l’attention et de troubles oppositionnels avec provocation.

Le harcèlement scolaire à l’école entraine des séquelles graves sur la victime, et l’agresseur. Ces séquelles passent par l’échec scolaire, des troubles du comportement et peuvent se poursuivre par l’installation de troubles anxieux ou dépressifs.
Chacun des acteurs du harcèlement scolaire sera exposé à court, moyen ou long terme à de multiples conséquences. Je ne vous parlerais pas des conséquences physiques du harcèlement, mais plutôt attirer votre attention sur les conséquences psychologiques à court, moyen et long terme.

Pour l’élève harcelé

A court terme : décrochage scolaire, absentéisme, troubles de la mémoire, de la concentration, sentiment d’insécurité, baisse des résultats, repli sur soi sont les principaux signaux d’alerte.
Le sentiment d’abandon de la part de ses camarades ou des adultes fragilise le processus de socialisation et pousse l’enfant ou l’adolescent à se refermer sur lui-même. L’isolement relationnel va alors favoriser le développement d’un sentiment de honte, de perte d’estime de soi, de culpabilité.

A moyen terme : le comportement dépressif peut naitre de deux phénomènes conjoints : l’enfant ou l’adolescent va imaginer qu’il est responsable et coupable de ce qu’il subit.
Sans appui de son entourage, il va progressivement perdre confiance et renoncer à demander de l’aide, ce qui peut le conduire au passage à l’acte suicidaire ou entrainer un recours à la violence comme unique moyen de défense.

A long terme : Un trouble de socialisation peut s’installer, une faible estime de soi, une tendance dépressive et une vulnérabilité relationnelle entrainera à l’âge adulte des difficultés d’adaptation dans les contextes professionnels, et relationnels.

Pour l’élève harceleur

Contrairement aux idées reçues harceleurs et harcelés partagent un certain nombre de points communs sur le plan de la vulnérabilité psychique. Les harceleurs souffrent souvent de failles narcissiques profondes qui les conduisent à commettre des actes violents pour réparer ces blessures internes.

A court terme : un manque d’empathie, plus il harcèle plus sa capacité à ressentir de l’empathie diminue et moins il mesure la gravité de ses actes. En exerçant son pouvoir sur un individu qu’il imagine faible, l’harceleur comble son manque d’estime de lui-même. Pour maintenir cet état de sécurité psychique, il va reproduire cette situation en enchainant la répétition de comportements violents.

A moyen terme : le harceleur va adopter un comportement de plus en plus agressif et pourra être attiré par la délinquance et la marginalisation. Il a de grandes difficultés à s’extraire d’une spirale d’échecs, aggravée par de nombreuses exclusions et changement d’établissement.

A long terme : échec de la vie sociale, délinquance, troubles sociaux, maltraitance vis-à-vis de leur entourage, couple et enfants, en sont les principales conséquences.
Blessé depuis l’enfance par un sentiment d’échec et une profonde faille narcissique. L’ancien harceleur va alterner des périodes de dépressions, qui peuvent le conduire à des consommations d’alcool et de drogues.

Par Corentin Marouby. Mis à jour le 05/05/2022 à 18:58

Le harcèlement scolaire peut laisser de lourdes traces chez les anciennes victimes, devenues adultes. Manque de confiance en soi, peur du rejet… les conséquences des brimades répétées sont légions. Explications avec Philippe Aïm, psychiatre.

“En cinquième, la plupart des élèves du collège se moquaient de mes vêtements (ils m’attendaient à l’entrée du collège et mettaient une musique de strip-tease avant de me déshabiller et de se moquer de ma tenue, souvent très garçon manqué). J’ai ensuite été considérée comme une fille “pas cool”, donc traîner avec moi signifiait être mis à l’écart de la vie du collège (ne pas être invité aux boums par exemple où tout le monde allait).  Au lycée, c’était différent : tout tournait autour de ma vie amoureuse et sexuelle. Je n’avais pourtant rien demandé, mais plusieurs rumeurs m’ont pourri la vie. Cela pouvait aller jusqu’à me suivre jusque chez moi afin de voir où j’habite ; avec qui je rentre, qui était mon copain ” raconte Emma, 24 ans.

“J’ai été harcelée durant mes trois premières années de collège. Très « fayotte » et première de la classe, j’avais du mal à sociabiliser et être appréciée de mes camarades. Cette situation m’a valu de nombreuses moqueries, des insultes, et quelques violences physiques (on retourne mon plateau repas à la cantine, on me pousse dans les escaliers…)” témoigne Nina, 24 ans.

Le harcèlement : ne pas minimiser sa souffrance



Comme beaucoup d'enfants, Emma et Nina ont malheureusement été victimes de harcèlement scolaire durant leurs années de collège et de lycée. Un fléau encore trop récurrent dans les établissements du secondaire e même du primaire, qui peine à disparaître. Une étude IFOP indique que 54 % des violences surviennent au collège contre 23 % au primaire et 13% au lycée.
Basé sur le principe d’exclusion sociale, le harcèlement scolaire s’apparente à l’usage chronique de comportements stigmatisants à l’encontre d’un individu, caractérisés par les insultes, les moqueries, les rumeurs, la violence physique et provocatrice. 
Philippe Aïm, psychiatre, classifie d’ailleurs ces violences en trois catégories :
- La “domination où quelqu’un a la volonté de se montrer supérieur à nous”. L’harceleur profère alors des insultes verbales visant à rabaisser autrui.
- L’emploi “de l’humour à outrance” personnifié par les moqueries,
- et enfin la  “victimisation qui consiste à agresser une personne face à laquelle on se sent victime. Elle se venge de quelque chose qu’on lui aurait fait”, détaille-t-il.

Un syndrome post-traumatique après avoir été harcelé.

“ Ceux qui ne parviennent pas à se relever souffrent généralement d’impuissance apprise ”, explique Philippe Aïm.
Née des travaux du chercheur en psychologie Martin Seligman, l’impuissance apprise définit un sentiment d’impuissance. Quoi qu’il fasse à ses yeux, l’individu n’aura aucun contrôle sur une situation, qui est nécessairement vouée à l’échec.
Une séquelle présente chez Emma qui, " de nature très sensible, préfère généralement ne pas tenter pour ne pas être déçue, quitte à me priver de certaines choses par peur de rater. J’ai énormément de mal à me faire confiance”, poursuit-elle.

Il y a quelques années, Ellen Walser deLara, une universitaire américaine, a publié une étude portant sur “syndrome post-harcèlement à l'âge adulte" (ou adult post-bullying syndrome en anglais). Ses résultats avancent que les adultes atteints par ce syndrome, outre leurs difficultés à faire confiance aux autres, sont davantage sujets aux risques d’addictions (alcool, drogue etc.) pour pallier leur traumatisme ou à des développements de troubles psychiques. ou à des développements de troubles psychiques.

Un handicap relationnel comme conséquence du harcèlement scolaire.

“J’ai très peur qu’on m’abandonne et je ne supporte pas d’être seule, allant jusqu’à me mettre en couple avec des gens qui n’en valent pas la peine ou à entretenir des relations toxiques juste pour éviter la solitude”, confesse Emma, en proie à des difficultés relationnelles.
En effet, le harcèlement scolaire impacte généralement l’individu sur le plan relationnel et émotionnel. La peur d’être déçu par les autres et le sentiment que quelqu’un s’en prenne à eux ou qu'on fasse de nouveau preuve de méchanceté à leur encontre, animent le quotidien des anciennes victimes de harcèlement.

Le harcèlement : ne pas minimiser sa souffrance.

Dans un objectif de lutte, certaines victimes de harcèlement ont tendance à minimiser leurs traumatismes afin d'outrepasser ses souvenirs douloureux.“Un comportement à éviter. Il ne faut pas confondre la minimisation et la dédramatisation ”, prévient Philippe Aïm.
“Un individu souffrant d’un psychotraumatisme et qui ne parvient pas à construire sa vie ne doit pas minimiser. A l’inverse, apprendre à dédramatiser certaines violences verbales peut s'avérer utile".Notre spécialiste alerte sur la nécessité d'apprendre aux individus comment désamorcer l'agressivité en cas de violences verbales, et ce dès l'enfance. "Ceux qui ont appris à être désensibilisés aux mots des autres pourront en retirer une force à l'avenir".
Pour prévenir des effets néfastes à long terme du harcèlement, des psychologues revendiquent également la mise en place d’une école positive et bienveillante qui contribuerait à la diminution des comportements violents de certains enfants.

Aujourd’hui, malgré les séquelles persistantes, Emma a su se relever sur de nombreux aspects et faire du harcèlement une force de caractère : “Même si c'est difficile, je me force à m'affirmer, je ne me laisse plus faire et j’ouvre ma bouche quand quelque chose me déplait. J’essaye d’avancer au jour le jour, en combattant les désagréments du quotidien : je m'oblige à faire des choses dont j’ai peur, je me fais violence. Je vois également un psychothérapeute pour m’aider à identifier certaines souffrances et aller de mieux en mieux."
De son côté, Nina a vu dans les brimades "un moyen de se forcer à m'adapter socialement, ce qui m'a permis de me faire des amis au lycée".

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