
L'enfant
a besoin de temps
En ce début d’année scolaire, et de remise
en route, un grand nombre de parents réfléchissent aux activités extra-scolaires
de leurs enfants. Attention cependant, à la surcharge d’activités car
trop remplir l’emploi du temps des enfants peut refléter une angoisse
d’adulte et créer chez l’enfant des pressions, du stress et un cortège
de symptômes et divers maux.
De nos jours, l’ennui est considéré comme une déficience, il est de bon
ton d’être toujours actif. Le psychiatre Patrick Lemoine auteur de "
S’ennuyer quel bonheur ! " Aux éditions A Colin (2008), distingue
l’ennui pathologique de l’ennui créatif, indispensable selon lui pour
grandir.
L'enfant a besoin de " faire lentement l'expérience
de la vie ".
Par Soline Roy dans le Figaro.fr
santé le 05/09/2014
Dans son dernier ouvrage, la psychologue Geneviève
Djénati explique l'importance de la notion de temps et d'ennui
pour l'enfant.
" Pour l'immaturité, il n'y a qu'un traitement : l'écoulement du temps.
"avertissait le pédiatre et psychanalyste Donald Winnicott. Mais alors,
dans une société de l'urgence d'où la durée semble avoir disparu, comment
nos enfants peuvent-ils grandir ? Les rythmes fous qu'on leur impose ne
cessent d'interpeller les spécialistes de cet âge tendre, où l'on doit
" faire lentement l'expérience de la vie ", écrit la psychologue Geneviève
Djénati dans " Attends… Dépêche-toi ".
À force de remplir le " temps des horloges " (temps social, intelligible
et partageable par tous), avons-nous tué le " temps subjectif ", celui
que l'on emploie à vagabonder au pays des rêves ?
Passé, présent, futur. Le premier, où
se remémorer ce que l'on a été, le second pour être attentif à ce qui
se déroule, le dernier, qui suscite attente et désirs. Pour se construire,
" accéder à la continuité et au sentiment sécurisant que la vie a un sens
" , nous explique l'auteur, l'enfant doit combiner les trois.
Mais en réduisant la temporalité à " un présent omniprésent ", la société
oblige les parents, " la tête encore au travail et le corps sur le canapé
", à gérer la vie familiale comme une entreprise, avec la même exigence
de vitesse et d'efficacité pour tous. On se presse, nous explique la psychothérapeute,
avec pour objectif paradoxal de ne jamais arriver au point final… la mort.
Éduquer, c'est " prendre le temps de donner du sens à nos actes pour choisir
la direction à prendre ". Mais " le contrôle a eu le dessus sur l'éducation
" , regrette Geneviève Djénati. Alors surtout, pas de frustration. On
gâte l'enfant, on lui donne tout, mais ce faisant on le prive d'une chose
: l'attente. Fondamentale pourtant, car " l'enfant
qui n'attend pas ne s'attend à rien. Il n'a pas d'avenir ".

Surtout pas d'ennui non plus. Mais sans ennui, l'enfant
est " seul dans un monde sans durée, son temps ne s'écoule plus ; comme
la musique, nous dit Geneviève Djénati, la vie appelle pourtant des tempos
différents, certes fiables et réguliers, mais sans oublier les variations,
les surprises et les vides. Il ne faut donc pas voler à nos enfants le
" temps subjectif " qu'emplissent nos rêves et nos affects : indispensable
à leur imaginaire, il leur permettra d'apprendre à relier le passé au
futur. "
Grandir, nous dit la psychologue, c'est " se former à remettre en question
ce qui est établi. Pour cela, il faut que quelque chose soit établi ".
Le fil du langage doit donc aider à tisser l'histoire familiale et culturelle
sur laquelle l'enfant brodera ses propres motifs.
Avec du temps et son histoire, l'adulte doit " dessiner un lieu " où l'enfant
pourra " protéger ses rêves ". Pour devenir lui-même,
d'abord, mais aussi… apprendre à penser.
Tristes sont alors ces enfants dont les parents souffrent de " la maladie
de prédire " l'avenir et se prémunissent contre tous ses risques : ils
n'ont pas encore grandi que déjà, de leur vie, " le rêve et le désir sont
bannis ".
Attends… dépêche-toi, Le temps des parents, le temps des enfants,Geneviève
Djénati, Éd. L'Archipel
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