Les seniors et la thérapie
An’importe quel âge, commencer une thérapie
est un engagement difficile à prendre. Et plus nous avançons en maturité,
plus il peut nous sembler difficile de changer. Or, dans une thérapie,
c’est l’enfant en nous qui parle. Aussi, avoir 20 ou 80 ans ne devrait
pas faire de différence essentielle.
La guérison psychique, même
sur le tard. L'âge n'est plus un obstacle à l'entrée en thérapie. Les
plus de 50 ans sont de plus en plus nombreux à franchir le pas. " Ils
veulent donner plus de vie aux années devant eux. "
Par Pascale Senk, lefigaro.fr
du 13/12/2010
C'est à l'aube de ses 62 ans qu'Hélène a éprouvé " une
intense sensation de vide". " Un vertige, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur
de moi, décrit-elle. En quelques mois, j'étais partie à la retraite, j'avais
rompu avec mon compagnon, et mes deux parents sont décédés à quelques
semaines l'un de l'autre. Ne voulant pas peser sur mes enfants, je ne
savais plus à quoi me raccrocher. "
Orientée par une amie, Hélène a commencé une psychothérapie analytique
sous forme d'entretiens hebdomadaires d'une heure. Un an après, elle mesure
les apports de ces séances : " La thérapie m'a permis de régler une succession
très difficile et de trouver enfin ma place dans ma famille. Mais elle
m'a apporté bien plus : moi qui ne cessais de dire “c'est trop tard” dès
qu'une opportunité se présentait, je m'étonne de découvrir encore des
choses nouvelles sur moi, et sur la vie."
Il semble donc bien loin ce temps où Freud n'hésitait
pas à déclarer : " L'âge des malades entre en ligne de compte lorsqu'on
veut établir leur aptitude à être traités par la psychanalyse. En effet,
les personnes ayant atteint ou passé la cinquantaine ne disposent plus
de la plasticité des processus psychiques sur laquelle s'appuie la thérapeutique
- les vieilles gens ne sont plus éducables et, en outre, la quantité de
matériaux à déchiffrer augmente indéfiniment la durée du traitement."
(«La Technique psychanalytique», Sigmund Freud (1904), Paris, PUF,
1953.)
Aujourd'hui, peu d'aventures semblent impossibles
aux baby-boomers. Et la psychothérapie est une de celles qui les
attirent de plus en plus, ainsi que l'observent les professionnels de
la psyché. Beaucoup l'affirment : leur clientèle vieillit sensiblement
et il est désormais fréquent de voir arriver pour une demande de première
prise en charge hommes et femmes de 55, 60… voire 70 ans.
Pour Gonzague Masquelier, psychothérapeute et directeur de l'École parisienne
de Gestalt, plusieurs facteurs expliquent l'arrivée en nombre des quinquas
et plus dans les cabinets de psy : " Les médias ont
répandu l'idée qu'une psychothérapie n'est plus réservée aux personnes
souffrant de pathologies lourdes, mais permet aussi de développer du mieux-être
; autre facteur, économique cette fois-ci : les seniors peuvent généralement
se permettre la dépense de 60-70 euros par semaine nécessaire au processus.»
Un élément déterminant concerne aussi l'offre thérapeutique. Il y a trente ans, la psychanalyse détenait le monopole du marché et rechignait à accueillir des patients de plus de quarante ans car les années à passer sur le divan s'annonçaient nombreuses. Aujourd'hui, de nombreuses thérapies brèves sont arrivées à maturité et permettent à tout un chacun d'entreprendre un travail sur soi qui n'excédera pas deux ou trois ans.
La démarche s'entreprend le plus souvent à la faveur d'une crise familiale ou de couple. " J'accueille des maris et femmes qui, après des décennies de vie bien organisée chacun de leur côté, se retrouvent à la retraite à devoir cohabiter des journées entières et ont du mal à s'y retrouver ", explique Éric Trappeniers, directeur de l'Institut d'études de la famille à Toulouse. Mais ce psychothérapeute familial observe aussi la demande d'enfants de plus de 40-50 ans d'entreprendre des séances avec leurs parents âgés. " Le fait de devenir eux-mêmes parents, voire grands-parents, réveille des non-dits ou des rancœurs dont ils veulent désormais se débarrasser."
Ainsi, dans le cas de Pascale, 57 ans, c'est l'anorexie de sa fille aînée qui a fait déclic : " Le personnel soignant de l'hôpital où elle était prise en charge m'a suggéré de me faire aider. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être morte à 50 ans, puis née une seconde fois grâce à la thérapie. Je vis à présent avec une intensité que je ne soupçonnais pas auparavant."
La psychothérapie moteur d'un nouveau départ ?
" II est évident que le processus psychothérapeutique permet d'éveiller à un certain nombre d'éléments dormants, constate Éric Trappeniers : une envie de chanter ou de faire du piano refoulée depuis des décennies, la capacité à assumer son passé, et surtout l'urgence de trouver du sens pour le temps à venir. "
Gonzague Masquelier confie avoir ainsi accompagné une femme de 74 ans pendant quelques années. " Elle voulait réfléchir à sa vie. Toujours vierge à cet âge, elle n'avait jamais pu laisser s'épanouir de nombreuses facettes de sa personnalité. Un jour, je l'ai vu arriver à sa séance avec un grand sourire…, elle avait rencontré un homme et franchi le pas ! "
Et pour ce psychothérapeute, tel est bien le message délivré par la plupart de ces patients sur le tard : " Tout est toujours possible ! "
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